La parole aux créas : quel est l’avenir des marques dans le monde virtuel ?

Marianna Nash/août 2022 (article issu de Think with Google Monde)

Ces deux dernières années, presque toutes les marques (quel que soit leur secteur) se sont demandé comment, quand et où se lancer dans le monde virtuel. Mais pour élaborer des stratégies média efficaces permettant d’attirer leurs audiences et de susciter leur engagement sur toutes les plateformes, elles devront impérativement différencier le buzz, des comportements durables. Nous avons demandé à des spécialistes du secteur, des analystes et des créateurs et créatrices de contenu ce que nous réservent les débuts de cette révolution.

Les parcours magasin en 3D vont se généraliser

D’après Dan O’Connell, co-fondateur de la société de conception virtuelle BrandLab360 (un créateur de showrooms virtuels pour les maisons de couture lancé en 2017), le « Web spatial » pourrait devenir la nouvelle norme d’ici à peine cinq ans. Mais il faudra d’abord créer un tremplin entre le monde digital et virtuel, en veillant à ce qu’il ne rebute pas la grande majorité des acheteurs et des acheteuses habituées aux pages de produits et de paiement classiques.

Une architecture virtuelle peut être le jumeau digital d’un magasin réel.

Dan O’Connell

« À l’avenir, les personnes exploreront les produits en réalité virtuelle et feront leurs achats en ligne », explique Dan O’Connell. Il a en effet remarqué que les utilisateurs et les utilisatrices de sa clientèle passaient huit fois plus de temps dans les espaces virtuels des marques que sur leurs sites d’e-commerce. « La chaîne d’approvisionnement devient aussi plus efficace. Une architecture virtuelle peut être le jumeau digital d’un magasin réel. »

Début 2022, le studio BrandLab360 a déployé Maison Too Faced pour la marque Estée Lauder Companies afin d’offrir une expérience d’achat sociale, ludique et virtuelle. Les visiteurs et les visiteuses peuvent parcourir des salles et des jardins magnifiques défiant les lois de la nature, relever des défis pour gagner des codes de réduction, effectuer des achats entre ami·es et se renseigner sur les produits Too Faced. Too Faced est loin d’être la seule marque de cosmétiques à s’aventurer dans la conception 3D. Depuis le début de la pandémie, BrandLab360 a reçu plus de 2 000 demandes venant de nombreux secteurs.

Voir aussi notre article : Le web3 va-t-il révolutionner l’industrie du luxe ?

Huge a lancé SK-II City pour la marque de soin japonaise lorsqu’il est devenu évident, pendant la pandémie, que la majorité des fans n’auraient pas la possibilité d’assister aux Jeux Olympiques de Tokyo sur place. Ce monde virtuel s’inspire de l’architecture et de l’infrastructure réelles de Tokyo, comme le carrefour de Shibuya. Il permet aux utilisateurs et aux utilisatrices de jouer à des jeux éducatifs et de regarder les films animés de la marque sur les athlètes olympiques japonais.

Comme l’explique Hugh Connelly, Executive Creative Director chez Huge Singapore, « il y avait une volonté plus forte de susciter l’engagement de l’audience de façon pertinente. Le besoin de se déplacer ou de créer une communauté en ligne n’avaient pas été explicitement mentionnées dans le brief, mais elles tombaient sous le sens. »

Les micro-influenceurs et les micro-influenceuses auront un impact important

Grâce à sa réputation auprès des communautés de fans dévoués, le gaming est un espace tout trouvé permettant aux créateurs et aux créatrices de contenu d’attirer des passionné·es.

Les gens sont plus disposés à se fier à l’avis sur un produit ou une marque formulé par une personne qu’ils regardent quatre ou cinq jours par semaine.

« Un grand de nombre de marques seraient surprises de la couverture offerte par les streamers, et les créateurs et créatrices de contenu, ainsi que de la fidélité de nos communautés », explique Alisha Ether, alias LeeshCapeesh sur ses chaînes de gaming Twitch et YouTube. « Chaque streamer, YouTubeur ou YouTubeuse a sa communauté. C’est surtout vrai pour ceux et celles qui ont une micro-influence ou une influence relative. Les gens sont plus disposés à se fier à l’avis sur un produit ou une marque formulé par une personne qu’ils regardent quatre ou cinq jours par semaine. »

Les marques ne doivent pas non plus oublier les problématiques de diversité et d’inclusion dans le monde virtuel. Les gamers sont souvent représentés à tort comme des jeunes hommes blancs depuis des années. Dans les faits, presque la moitié des gamers sont des femmes, et de nombreux jeunes gamers sont des personnes de couleur.

Dans la communauté gaming des Sims, les moddeurs et les moddeuses (des artistes indépendant·es proposant des modélisations 3D) créent des assets téléchargeables pour l’univers du jeu afin de modifier, par exemple, les coupes de cheveux, le maquillage ou la maison des personnages. Danielle Udogaranya, plus connue sous le pseudonyme d’Ebonix par les Simmers, est une célèbre moddeuse dont les créations ont été publiées par Electronic Arts. Le studio l’a même consultée afin d’inclure des centaines de nouvelles couleurs de peau pour les personnages.

« À la base, je voulais seulement ajouter du contenu qui n’était pas disponible dans le jeu, mais qui représentait ma culture », explique Danielle Udogaranya. Elle avait déjà téléchargé des packs de contenu personnalisé d’autres gamers, mais n’avait jamais pensé à créer les siens, jusqu’à ce qu’elle découvre que les personnes et la culture noires étaient quasiment absentes du jeu. Après avoir conçu un dashiki en 3D, elle a décidé d’apprendre à modéliser des coupes de cheveux en 3D. Ses créations ont été découvertes par les Simmers du monde entier, et lui ont permis de s’associer à Foot Locker Europe et à d’autres marques.

Les gamers aimeraient que des marques plus variées s’impliquent.

Les partenariats avec les gamers ainsi que les créateurs et les créatrices peuvent être un moyen efficace pour les marques de s’aventurer dans le monde virtuel. En 2020, Gucci a fait appel à une moddeuse et à un moddeur pour reproduire sa campagne et sa collection de vêtements durables Gucci Off the Grid. La première a conçu une cabane de plusieurs étages dans les arbres, tandis que le second a recréé les produits Gucci dans le jeu (ainsi qu’un avatar en 3D de Jane Fonda, l’ambassadrice de la campagne, pour les porter).

« Dans les Sims, les produits de beauté et de mode s’intègrent parfaitement à la moitié du concept du jeu, car le but est de créer des personnages », explique Kayla Sims, alias Lilsimsie sur sa chaîne YouTube. « C’est dû en grande partie à la façon dont les gens jouent aux Sims et à leur envie d’imiter la vie réelle. »

La bande-annonce de « Gucci Off the Grid » met en avant le partenariat de la marque avec les Sims. Elle montre des personnages créés par un gamer, qui utilisent des produits de mode et un environnement écoresponsable.

Les marques de mode et de beauté sont de loin les plus présentes dans le monde du gaming, mais les créateurs et les créatrices de contenu aimeraient que des marques plus variées s’impliquent. Morgan Nixon, qui diffuse des tutoriels de gameplay et de maquillage en direct sous le pseudonyme Bettynixx, a suggéré aux marques de décoration d’intérieur de sponsoriser des vidéos sur des idées d’aménagements dans les jeux. De son côté, Ether a encouragé les marques d’eau en bouteille à s’impliquer dans le monde du gaming, où les créateurs et les créatrices de contenu rappellent régulièrement à leurs abonné·es de bien s’hydrater.

« Vous devez connaître l’audience auprès de laquelle vous faites la promotion des produits, ainsi que ses centres d’intérêt », explique Alia Shelesh, qui diffuse des parties en direct sous le pseudonyme SSSniperWolf et du contenu sur les produits de beauté en tant que Little Lia.

Les jeux vont permettre de se retrouver

Il suffit d’avoir joué à Roblox, à Fortnite ou à Animal Crossing pendant une période de distanciation sociale pour comprendre à quel point les jeux vidéo permettent de réunir des personnes éloignées géographiquement. Selon le rapport « Intro to the Metaverse » de Newzoo, le métavers est tout simplement la prochaine étape de l’évolution de ces mondes virtuels. Ceux-ci deviendront des environnements permanents où « plusieurs participant·es pourront créer de la valeur et l’exploiter au-delà du produit principal ».

Autrement dit, les jeux seront des lieux de rencontre auxquels les marques seront invitées, à condition qu’elles respectent les règles. Même si les premières activations ont généralement pris la forme de collaborations de marques dans les jeux, certaines applications professionnelles ont utilisé des technologies de gaming pour organiser des événements en direct. La popularité de ce support commence enfin à être prise en compte dans les budgets. 93 % des acheteurs et des acheteuses média ont ainsi l’intention de diffuser de la publicité dans les jeux d’ici 2025.

Mais la plupart des jeux vidéo ne sont pas encore adaptés à la publicité. Les marques doivent donc proposer quelque chose d’utile ou des récompenses aux gamers dans les activations, explique James Swift, rédacteur en chef pour le magazine en ligne Contagious, qui analyse les tendances publicitaires. « Les activations les plus efficaces que nous avons vues jusqu’à présent sont celles où les marques aident les gamers. »

Pour James Swift, la collaboration entre le retailer sud-américain Almacenes Exito et les meilleurs gamers de Call of Duty: Mobile est l’exemple parfait de la voie à suivre. Chaque fois que les prospects réussissaient à battre les as du jeu, ils remportaient des remises. « Je pense que c’était une excellente idée, car il est impossible de diffuser des annonces dans le jeu, et il ne faut surtout pas interrompre ni perturber les gamers pendant leurs parties. La marque a donc dû trouver un autre moyen d’engager les utilisateurs et les utilisatrices. »

La marque de condiments Heinz a, quant à elle, choisi d’aider les gamers grâce à sa campagne « Hidden Spots ». Elle a ainsi répertorié les endroits sûrs dans le monde de Call of Duty: Warzone où les gamers pouvaient se cacher pour grignoter pendant une partie.

« Là encore, je pense que c’est un excellent moyen d’engager l’audience sur l’instant », estime James Swift pour la campagne de Heinz. « En attendant que ces plateformes permettent aux marques de diffuser des annonces (et même après), il faut être un peu innovant et se montrer légèrement utile ou très captivant. »

Dans SK-II City, les jeux d’arcade permettaient de découvrir l’implication de la marque en faveur du développement durable. Les personnes ayant acheté des produits de la gamme « Andy Warhol X SK-II Pitera Essence Limited Edition » entièrement recyclable pouvaient scanner un QR code sur le flacon. Elles pouvaient alors accéder à la ville en 3D et découvrir leur nouveau produit en jouant. Selon Hugh Connelly, cette expérience post-achat a permis d’obtenir le meilleur niveau d’engagement parmi toutes les activations sur le site. D’après Vogue Business, la marque de P&G compte bien pérenniser cette cité virtuelle.

Nikeland et Vans World dans Roblox, Ally Island dans Animal Crossing et le Meta Bar de Miller Lite sont tous des exemples de réussite pour les marques, quel que soit leur secteur. Ces univers permettent d’offrir des produits et des expériences qui n’existent que dans les mondes virtuels (souvent ceux des jeux vidéo populaires). Ces expériences ne sont pas des opérations ponctuelles, mais des destinations proposant leurs propres avantages attractifs. Elles représentent en cela une nouvelle piste pour le marketing immersif.

La créatrice de contenu YouTube Lauren Webber (alias LaurenzSide) s’attend à ce que le gaming devienne encore plus tendance à mesure que cette révolution s’étend. « Je crois sincèrement, surtout avec le développement du Web3, que le gaming va occuper une place de plus en plus importante et va se généraliser davantage à l’avenir. »

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